Château de Vésenaz

Au début du XVe siècle, l’emplacement où s’élèvera plus tard le château était occupé par des maisons, un four à pain, un jardin et des places, le tout appartenant à Jean et André Messaz, probablement cousins germains. Au plan féodal, ces biens dépendaient de l’abbaye de Bellerive qui les avait abergés en 1395 à Perret Messaz, père d’André. Jean et André sont attestés comme propriétaires de 1429 à 1443. La famille Messaz a laissé son nom à un lieu-dit de Vésenaz : Trémessaz, qui signifie «derrière chez Messaz»,
Le château de Vésenaz, en réalité une maison forte, fut construit en 1448 par un certain Pierre Curt, qualifié de noble, et sa femme Marguerite. Il fut dès l’origine conçu comme résidence et non comme ouvrage défensif. Il occupait l’emplacement des maisons Messaz probablement démolies, à moins que les bâtiments au levant de la cour soient les restes de ces maisons.
Vers 1473, le château était propriété de Madeleine de Pitigny, veuve de Nantermet Festi, et de ses fils Louis et André. Nantermet Festi est connu dans l’histoire de Genève : il fut syndic en 1467 et conseiller en 1471. Ses deux fils prirent parti pour le duc de Savoie et durent s’exiler. Les frères Festi ont dû connaître des difficultés financières car ils furent l’objet de poursuites et saisies à la requête de leur créancier noble Jacques de Sionnas, seigneur de Vallières. Celui-ci était propriétaire du bâtiment en 1520 lorsqu’il en passa reconnaissance en faveur de l’abbaye de Bellerive pour ses nouveaux biens ; le château est ainsi désigné : «une maison haute avec un verger et des curtines (cours) et places contiguës à ladite maison».
Les bâtiments et les autres biens de Vésenaz passèrent ensuite à François de Vege, notaire, et à son fils Claude. Il faut noter que François de Vege avait épousé Aimée de Vallières, dont nous ignorons si elle avait un lien de parenté avec Jacques de Sionnas, celui-ci étant parfois appelé « Sionnas alias de Vallières », du nom de son fief.
En 1544, les de Vege vendirent le château à François Favre, marchand drapier, citoyen genevois et l’un des fondateurs de l’indépendance de Genève. Il mourut à Vésenaz en 1551. Il avait reconnu ses biens, trois ans auparavant, en faveur de noble André Philippe, premier seigneur de Bellerive, qui avait acquis le fief des Bernois en 1542, quelques années après le départ des religieuses. Le château passa ensuite aux descendants de François Favre, puis, en 1697, à la famille Vaudenet de Genève, dont Barthélémy-Robert Vaudenet qui figure comme seul propriétaire au cadastre de 1730.
Le château de Vésenaz fut le théâtre de deux événements tragiques. Dans la nuit du 24 août 1640, Louis Favre (petit-fils de François) y fut assassiné, percé de plusieurs coups d’épée, par deux bandits Le Pollacre et Pierre Pingouin. Le premier échappa à la justice car tué à la suite d’une querelle avec un habitant de Genève, un nommé Revilliod. Le second était bien connu de la police du temps pour être un spécialiste des vols avec effraction. Il avait quelque temps, avec dix compagnons armés, tenu la forêt de Gramont près de Rossillon en Bugey par où les marchands passaient pour aller des foires de Genève à celles de Lyon. Il fut finalement arrêté en Savoie et condamné à être pendu. Puis, en 1736, ce fut l’enlèvement de Pietro Giannone, jurisconsulte de Naples, alors en visite en Vésenaz, par les sbires du roi de Sardaigne. Celui-ci croyait plaire au pape, car Giannone avait publié un ouvrage où il contestait l’autorité temporelle du Saint-Siège. Giannone ne fut finalement pas livré au pape, mais mourut en prison à Turin en 1748.
Au cours des siècles suivants, le château passa en mains de diverses familles de Vésenaz avant d’être classé monument historique en 1987 et 1988.

Georges Curtet
ancienne photo du château de Vésenaz